Le ski : menace pour l’environnement et menacé par le changement climatique ?

En France, le tourisme représente environ 11% des émissions de gaz à effet de serre. Et au milieu de tout ça, les sports d’hiver : menace à la fois pour l’environnement et pour eux-mêmes. Décryptage.

Pourquoi les sports d'hiver sont une menace pour l'environnement ?

Se rendre en station pollue

Le vrai problème c’est tout ce qu’il y autour du ski, et surtout les transports (voiture, avion, bus, etc) que les touristes vont prendre pour arriver en bas des pistes. Selon l’ADEME, les transports sont la première cause de pollution lié aux sports d’hiver (52% à 57 % des émissions de CO2 d’une station).

Il y a la voiture mais aussi l’avion ! « Chaque année, un demi-million de touristes étrangers (la quasi totalité venant des Pays-Bas et de Grande-Bretagne) atterrissent dans des petits aérodromes (comme celui deGrenoble ou de Chambéry) pour aller skier dans les Alpes » explique Lucas Benard-Chenu (post-doctorant à l’INRAE et au CEN de Météo-France), ce qui engendre beaucoup d'émissions de CO2 pour dévaler les pistes.

Plus précisément :  

  • Un Londonien qui va skier à La Clusaz en Haute-Savoie émet l’équivalent de 61,7 kg de CO2 s’il prend l’avion et le taxi. Cela diminue à 5 kg CO2 s’il avait opté pour le train et le bus.

  • Un Annécien qui habite juste à côté va émettre 22,1 kg de CO2 s’il se rend en station seul dans sa voiture et seulement 5,5 kg CO2 s'il fait du covoiturage.

Les activités touristiques en montagne sont énergivores  

Dans les faits, dévaler les pentes n’est pas ce qui pollue le plus pendant tes vacances d'hiver. Le domaine skiable (dameuses, télésièges…) ne représente que 2 à 3% du bilan carbone des stations de ski. « Comme les remontées mécaniques sont électriques et que l’électricité en France n’est pas si carbonée si on la compare à d’autres pays, c’est surtout le travail des dameuses qui passent sur les pistes chaque soir pour les aplatir et les remettre en état qui comptent là dedans », poursuit Lucas Benard-Chenu.

Il existe aussi toutes les autres activités qui sont praticables en station, de type spa, centre aquatique ou patinoire par exemple, qui nécessitent des infrastructures assez lourdes, contribuent à l'artificialisation des terres et consomment beaucoup d’énergie. Au final, elles sont responsables d’environ 17% des émissions de gaz à effet de serre d’u skieur moyen, dans une station comme celle de Tignes, La Clusaz ou le Grand Bornand.

Plus il y a de touristes, plus la consommation d’énergie et d’eau est importante.

Par exemple, les logements en stations de montagne ont été principalement construits entre les années 1960 et 70 avec des normes d’isolation basses. Le fait qu'ils soient aujourd'hui principalement dédiés au tourisme n’a pas favorisé leur rénovation.

Aujourd'hui, 28 % d'entre eux seraient des passoires énergétiques. Combiné à la consommation d’énergie nécessaire à tout un tas d’autres activités présentes sur site, la moyenne de consommation électrique est de 10 mWh / habitant dans les communes où sont établies des stations. C’est deux fois plus que la moyenne nationale.

En ce qui concerne les prélèvements d’eau, c’est 1,7 fois plus que la moyenne nationale. Et une grande partie sert aux canons à neige pour créer de la neige artificielle. Selon le WWF il faudrait environ 95 millions de m3 d’eau par an pour produire la neige artificielle des stations d’Allemagne, d’Autriche, de Suisse, de Slovénie et de France (cela équivaut à la consommation d’eau annuelle d’une ville comme Lyon).

Construire des stations de ski dénature les écosystèmes

Bien que les infrastructures de remontées mécaniques n’occupent pas tant de place au sol (la superficie des domaines skiables représente environ 3% des massifs français), les pistes sont très travaillées par les exploitants pour faciliter le passage des skieurs, l’enneigement, etc.c«  Ça se traduit par de l'épierrage, du nivellement des pistes, du ré-engazonnement, du déboisement… » explique Lucas Benard-Chenu. 

Tout ça perturbe la biodiversité aux alentours. L'augmentation d'infrastructures humaines destinées aux sports d’hiver réduit l’habitat de la faune vivant aux alentours. Aujourd'hui, 79 % des stations de ski sont construites sur des aires protégées et cela engendre  du « stress » chez les espèces végétales qui poussent en montagne. 

L'augmentation des sports d'hiver et l'accélération du réchauffement climatique entraine une hausse des températures qui rend les sols enneigés moins longtemps et ce "coup de chaud" peut aller jusqu’à modifier l’aire de répartition de certaines plantes qui ont besoin de températures précises pour survivre. Et face à tout ça, la biodiversité n’a pas d’autres choix que de s’adapter, migrer ou disparaître.

Pourquoi les sports d'hiver sont eux aussi menacés par le changement climatique ?

Si les sports d'hiver comem le ski alpin participent à la dégradation de l'environnement et notamment au changement climatique, l'activité en elle-même est menacée par la hausse de températures mondiales.

De moins en moins de neige 

Le changement climatique conduit les températures à se réchauffer. Donc :

  • ce qu’on appelle la limite pluie/neige remonte en altitude : il tombe toujours autant d’eau, mais plus de pluie et moins de neige

  • la neige qui tombe encore fond plus vite

Il y a donc moins de neige. Dans les Alpes, le Col de Porte situé à 1325 m d'altitude a perdu 40 cm de couverture neigeuse depuis les années 1960. Mais ce n'est pas seulement l’épaisseur du manteau neigeux qui est en question, c’est aussi la durée de l’enneigement : chaque degré de réchauffement climatique supplémentaire conduirait en moyenne à la perte d’un mois d’enneigement.

D’autres risques pour les activités en montagne

Le rapport de WWF qui se concentre sur l’impact du changement climatique sur la pratique du sport liste plusieurs autres risques qui vont augmenter. 

Parmi eux, les crues, les avalanches de neige humide, les glissements de terrain et la déstabilisation des parois rocheuses. Une des raisons principales à ces différents types de dangers (et notamment concernant les glissements de terrain et la déstabilisation de parois rocheuses) c’est la hausse des températures. À haute altitude, là où la température ne dépasse pas -1°C à 0°C à longueur d’année, le sol est normalement gelé (c’est ce qu’on appelle le pergélisol). Et le fait qu’il soit gelé maintient entre elles différentes couches de glaces, de roches, etc.  Le fait que les températures augmentent entraîne un dégel de ce sol : « Ca peut déstabiliser des parois rocheuses, des infrastructures ou même des remontées mécaniques » explique Lucas Berard-Chenu.

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