Don Giovanni est un personnage en fuite. Il ne s'installe dans aucun lieu, ne prend aucun engagement dans la durée, recherche le plaisir d'une relation fugitive, mais le fuit dès qu'il menace de durer. La corrélation entre un personnage mythique, insaisissable, et ces mois très particuliers où rien n'est pensable dans la durée, où les spectacles que l'on planifie peuvent s'évanouir d'un trait de plume quelques semaines plus tard, me donne l'envie d'écrire un Don Giovanni différent.
Nous avons la chance, à l'Opéra Grand Avignon, de nous installer en ce mois de mars dans un théâtre du milieu du XIXᵉ siècle, rénové de fond en comble après trois ans de travaux. Et le paradoxe de ne pas pouvoir y recevoir de public pour l'instant.
Alors, utiliser le lieu, non pour héberger une production qui serait jouée sans public, mais comme un décor à part entière, comme l'espace complexe où l'ensemble des protagonistes de Don Giovanni se cherchent et s'échappent, où ils se cachent et se découvrent.
Un cadre de jeu qui brille par ses peintures fraiches, mais où se ressent aussi le désespoir des sièges vides.
J'avais conçu, avec mon équipe, l'univers de la production scénique créée en 2016 comme un lieu en construction ou en déconstruction, nous avions bâti un décor de murs imaginaires et ajourés. Tout à fait fortuitement, ces murs s'avèrent étrangement ressemblants à ceux de l'Opéra Grand Avignon, et la notion de construction et déconstruction qui structurait notre dramaturgie trouve un écho nouveau dans le contexte actuel.
Je pense ce film comme la capture d'un instant particulier de l'existence, où l'art continue de vivre envers et contre tout, où les promesses d'un lieu vierge en attente de recevoir son public méritent d'être éclairées et offertes aux écrans.