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Sons d'hiver 2011 : Wadada Leo Smith
- Arts & spectacles
- 48 min 45 s
- indisponible
- tous publics
Lʼun des sommets du quinzième Vision Festival, à New York, fut sans doute le duo offert par Wadada Leo Smith et Günter “Baby” Sommer. Un jour peut-être osera-t-on dire que Bill Evans avait tout simplement tort lorsquʼil estimait que Miles Davis avait “une sorte de beauté à laquelle on nʼavait jamais été confronté avant cela et à laquelle on nʼa pas été confronté depuis.” Depuis, il y a Wadada Leo Smith. Comment ce dernier parvient à développer un jeu à la fois éclatant (sa trompette taillée en pointes et coquilles dʼobsidienne transperçant le halo de silence quʼil semble générer autour de chacune de ses phrases) et comme à contre-jour (suspendant un collier dʼéclipses au cou de la musique), tandis que Sommer feuillette ses tambours, ses cloches et ses gongs, les fait rouler ou résonner, est de lʼordre de la poésie sonore la plus exigeante et la plus naturelle. Le moindre trait de la trompette, comme une rainure le long du silence, a sa lueur propre et ses irradiations ; le moindre heurt à la batterie a son propre poids et sa légèreté. Lʼécoute entre les deux hommes est à son comble, à la virgule près, à lʼalerte près, à la félicité près. Il faut dire que Wadada Leo Smith concentre tous les aspects dʼune recherche autant musicale que sociale ou spirituelle, articulant la lancée afro-américaine et la puissance dʼaspiration de lʼinconnu, ou des pensées rastafari, taoïstes, soufies… Le trompettiste a parcouru notre planète : les États-Unis, du Sud (le Mississippi, où il grandit parmi les titans du Delta Blues) au Nord (Chicago, où il gagne lʼAACM et développe ses concepts de “New World Music” et de “Rhythm-Unit”), dʼEst (le Connecticut, où il met au point sa méthode, lʼAnkhrasmation, et publie ses premiers essais) en Ouest (la Californie où, depuis 1993, il occupe la chaire “Dizzy Gillespie” au California Institute of the Arts et a développé lʼAfrican-American Improvisation of Music Program) ; lʼIndonésie et le Japon, lʼIslande et finalement lʼEurope. Cʼest là que, entre 1979 et 1982, il forma un trio avec deux Allemands, de lʼOuest (feu Peter Kowald) et de lʼEst (Sommer) : “Touch the Earth – Break the Shells”. Il a fallu un quart de siècle et la disparition de leur ami Kowald pour que Wadada Leo Smith et Günter “Baby” Sommer renouent leur dialogue lunatique. Smith et ses susurrements ou ses brocards, ses tirades ou ses indices sonores ; Sommer et le feutre ou les bosses de ses percussions, ses kangourous ou ses serpents. Un duo qui dit tout ça, la patience créatrice des musiques “traditionnelles”, des musiques qui ont le temps, et puis la liberté collective (dʼêtre seul et dʼêtre ensemble) du champ jazzistique, et puis les perspicacités particulières des musiques improvisées. “Je lʼexpliquerais ainsi, raconte Smith : le jazz, ou la musique créative, est le forum de lʼimprovisation. Lʼimprovisation amène ou met lʼartiste dans le présent. Le présent veut dire : pas de passé, pas de futur. En cet instant existe seulement lʼinstant. Voilà la créativité. Cʼest toute la différence apportée par lʼimagination, le rêve, lʼanticipation... Beaucoup de musiques dans le monde sont remarquables, mais la plupart nʼont pas de présent. Elles reposent sur une certaine idée du passé. Dans le présent, on a la possibilité de dévoiler les moments voilés, un autre passé et un autre futur.” Touch the Earth II : un état de grace.
En savoir plus Lʼun des sommets du quinzième Vision Festival, à New York, fut sans doute le duo offert par Wadada Leo Smith et Günter “Baby” Sommer. Un jour peut-être osera-t-on dire que Bill Evans avait tout simplement tort lorsquʼil estimait que Miles Davis avait “une sorte de beauté à laquelle on nʼavait jamais été confronté avant cela et à laquelle on nʼa pas été confronté depuis.” Depuis, il y a Wadada Leo Smith. Comment ce dernier parvient à développer un jeu à la fois éclatant (sa trompette taillée en pointes et coquilles dʼobsidienne transperçant le halo de silence quʼil semble générer autour de chacune de ses phrases) et comme à contre-jour (suspendant un collier dʼéclipses au cou de la musique), tandis que Sommer feuillette ses tambours, ses cloches et ses gongs, les fait rouler ou résonner, est de lʼordre de la poésie sonore la plus exigeante et la plus naturelle. Le moindre trait de la trompette, comme une rainure le long du silence, a sa lueur propre et ses irradiations ; le moindre heurt à la batterie a son propre poids et sa légèreté. Lʼécoute entre les deux hommes est à son comble, à la virgule près, à lʼalerte près, à la félicité près. Il faut dire que Wadada Leo Smith concentre tous les aspects dʼune recherche autant musicale que sociale ou spirituelle, articulant la lancée afro-américaine et la puissance dʼaspiration de lʼinconnu, ou des pensées rastafari, taoïstes, soufies… Le trompettiste a parcouru notre planète : les États-Unis, du Sud (le Mississippi, où il grandit parmi les titans du Delta Blues) au Nord (Chicago, où il gagne lʼAACM et développe ses concepts de “New World Music” et de “Rhythm-Unit”), dʼEst (le Connecticut, où il met au point sa méthode, lʼAnkhrasmation, et publie ses premiers essais) en Ouest (la Californie où, depuis 1993, il occupe la chaire “Dizzy Gillespie” au California Institute of the Arts et a développé lʼAfrican-American Improvisation of Music Program) ; lʼIndonésie et le Japon, lʼIslande et finalement lʼEurope. Cʼest là que, entre 1979 et 1982, il forma un trio avec deux Allemands, de lʼOuest (feu Peter Kowald) et de lʼEst (Sommer) : “Touch the Earth – Break the Shells”. Il a fallu un quart de siècle et la disparition de leur ami Kowald pour que Wadada Leo Smith et Günter “Baby” Sommer renouent leur dialogue lunatique. Smith et ses susurrements ou ses brocards, ses tirades ou ses indices sonores ; Sommer et le feutre ou les bosses de ses percussions, ses kangourous ou ses serpents. Un duo qui dit tout ça, la patience créatrice des musiques “traditionnelles”, des musiques qui ont le temps, et puis la liberté collective (dʼêtre seul et dʼêtre ensemble) du champ jazzistique, et puis les perspicacités particulières des musiques improvisées. “Je lʼexpliquerais ainsi, raconte Smith : le jazz, ou la musique créative, est le forum de lʼimprovisation. Lʼimprovisation amène ou met lʼartiste dans le présent. Le présent veut dire : pas de passé, pas de futur. En cet instant existe seulement lʼinstant. Voilà la créativité. Cʼest toute la différence apportée par lʼimagination, le rêve, lʼanticipation... Beaucoup de musiques dans le monde sont remarquables, mais la plupart nʼont pas de présent. Elles reposent sur une certaine idée du passé. Dans le présent, on a la possibilité de dévoiler les moments voilés, un autre passé et un autre futur.” Touch the Earth II : un état de grace.