Trump lâche les Kurdes... Erdogan attaque
C dans l'air- 1 h 4 min
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Malgré les mises en garde et les appels à la retenue, l’offensive militaire de la Turquie contre les forces kurdes du nord-est de la Syrie a été lancée hier. Après des raids aériens et un violent pilonnage à l’artillerie, l’opération nommée "source de paix" est entrée cette nuit dans sa phase terrestre, provoquant déjà au moins 15 morts, des dizaines de blessés et des milliers de civils en fuite. Cette offensive militaire vise clairement à repousser les milices kurdes, alliées des Occidentaux dans la lutte antidjihadistes, qu’Ankara considère comme des terroristes, le plus loin possible des abords de sa frontière en créant une "zone de sécurité" qui pourrait s’étendre à terme sur plusieurs centaines de kilomètres. Aux yeux du président turc, cette zone tampon pourrait également permettre de réinstaller une grosse partie des 3,5 millions de réfugiés syriens dont la présence en Turquie est de plus en plus mal acceptée par la population turque.
Attendue et redoutée depuis la décision de Donald Trump de retirer les troupes américaines de ce secteur frontalier, cette opération menée par l’armée turque et différentes milices islamistes locales, dont la branche syrienne d’Al-Qaïda, est condamnée depuis vingt-quatre heures par la communauté internationale. Aux États-Unis, deux sénateurs, un républicain et un démocrate, proposent des sanctions financières colossales contre la Turquie si elle ne retire pas ses troupes de Syrie, et accusent Donald Trump d’avoir honteusement abandonné les Kurdes. De son côté, le président américain, plus ambigu que jamais sur ses alliés dans la guerre contre Daech, justifie sa passivité en brandissant le fait que les Kurdes "ne nous ont pas aidés en Normandie" pendant la Seconde Guerre mondiale.
De Paris à Londres en passant par Bruxelles et Berlin, les Européens ont, eux, condamné fermement l’opération turque accusée de relancer la guerre en Syrie et de favoriser la résurgence de la menace djihadiste. Car que vont devenir les djihadistes - dont de nombreux Européens - détenus par les milices kurdes ? "Le monde entier doit s’inquiéter. On ne sait pas où ils iront. Le danger est là : une dissémination non contrôlée de ces personnes", a déclaré Nicole Belloubet, ministre de la Justice. "L’opération unilatérale de la Turquie en Syrie" qui "remet en cause les efforts sécuritaires et humanitaires de la coalition contre Daech et risque de porter atteinte à la sécurité des Européens (...) doit cesser" a affirmé le ministre des Affaires étrangères, Jean-Yves Le Drian. À la demande de l’Europe, le Conseil de sécurité de l’ONU doit se réunir aujourd’hui.
En réponse aux critiques européennes, le président turc a promis "d'ouvrir les portes de l'Europe à des millions de réfugiés". "Je le dis encore une fois, si vous essayez de présenter notre opération comme une invasion, nous ouvrirons les portes et vous enverrons 3,6 millions de migrants", a ainsi déclaré Recep Tayyip Erdogan. Son porte-parole, Ibrahim Kalin, a également appelé les pays européens à "reprendre" leurs ressortissants ayant intégré l’EI et aujourd’hui détenus par les forces kurdes.
Alors quelle est la situation sur place ? Pourquoi la Turquie a-t-elle lancé cette offensive militaire contre les forces kurdes du nord-est de la Syrie ? Quelles seront les conséquences de l’opération "source de paix" ? Faut-il craindre une "dissémination" des djihadistes détenus par les Kurdes ?
Invités :
• François Clemenceau, rédacteur en chef international pour Le Journal du dimanche.
• Pierre Servent, expert en stratégie militaire et auteur de "50 nuances de guerre".
• Dorothée Schmid, chercheuse à l’Institut français des relations internationales (IFRI) et auteure de "La Turquie au Moyen-Orient".
• Fatma Kizilboga, journaliste de France 24 et ancienne correspondante à Istanbul.
Présenté par : Caroline Roux, Axel de Tarlé