Au Royaume-Uni, 26% des vêtements seraient jetés parce que leurs propriétaires ne les aiment plus, selon une étude menée par Fashion Revolution. Pourquoi ce désamour ? Couleur qui ne plaît plus, coupe qui ne va plus… mais aussi, soyons honnête, une évolution des tendances qui finit par rendre notre ancien vêtement préféré "ringard". Résultat : des pièces en bon état finissent à la poubelle simplement parce que la société a décidé qu’elles n’étaient plus dignes d’être portées. Ce qui n'est évidemment pas une bonne nouvelle pour la planète, quand on sait l’impact environnemental de l’industrie de la mode.
Pourquoi l'industrie de la mode va trop vite
L’avènement de la micro-tendance mode
Le modèle actuel de l’industrie de la mode repose sur un renouvellement rapide et constant des collections de vêtements. C’est ce qu’on appelle la fast-fashion.
En Europe, les marques de mode sont passées de 2 collections annuelles au début des années 2000 à 5 collections annuelles dans les années 2010. H&M propose entre 12 et 16 collections par an, Zara 24 collections par an. Quant à la marque chinoise Shein, marque emblématique du modèle d’ultra-fast-fashion, elle met en vente des milliers de nouveaux modèles chaque jour.
Alors que les tendances mode duraient auparavant plusieurs années, elles se renouvellent aujourd'hui à grande vitesse. Au point qu’on parle désormais de "micro-tendance" : des tendances éphémères qui disparaissent si vite qu'on les découvre parfois au moment même où elles deviennent démodées.
Un modèle devenu la norme
Comment les marques de fast-fashion ou d'ultra-fast-fashion arrivent-elles à nous persuader d'acheter dans leur dernière pièce à la mode ? En investissant beaucoup dans la publicité et l’influence.
Nous sommes confrontés au quotidien à la publicité, et de mille et une manières différentes : un spot avant une vidéo YouTube, une affiche sur notre arrêt de bus, la vitrine devant laquelle nous passons, ou la photo qui se glisse dans notre feed Instagram. Chaque Français est exposé en moyenne à 1200 messages publicitaires par jour. La pub s’appuie sur une connaissance très fine du fonctionnement du cerveau humain, ce qui explique qu’elle soit aussi redoutablement efficace pour faire passer un message… et nous pousser à l'achat.
Quant aux influenceurs, ils sont devenus incontournables pour promouvoir un produit, surtout auprès des jeunes. Rien de plus logique : 94% des 15-17 ans et 91% des 18-24 ans suivent des influenceurs sur les réseaux sociaux. Or les comptes les plus suivis promeuvent, dans une écrasante majorité, un mode de consommation peu écologique.
"Nous sommes en plein dans le modèle de la surconsommation", regrette Amélie Deloche, co-animatrice du compte Instagram Paye ton influence, qui interpelle les influenceur·euses sur les questions environnementales.
Léna Situations avec Adidas et Jennyfer, Justinacessible avec Zalando, Anistxa avec Boohoo… "Les influenceur·euses ne réalisent pas la portée de leur impact. Ce qu'ils portent est vu par des milliers de personnes. Un comportement individuel vu par 300 000 personnes, ce n’est plus un comportement individuel.La jeune génération qui arrive a beau être plus consciente des enjeux climatiques, elle se retrouve souvent à craquer en achetant de la fast-fashion à cause de ça. La tentation est trop forte."
Comment sortir de la logique des tendances mode ?
Du côté des marques et influenceur·euses
Les marques jouent évidemment un rôle essentiel. Elles peuvent choisir de ralentir le rythme en se tournant vers le modèle de la slow fashion : un modèle de production de vêtement qui promeut la qualité, la transparence, l’éthique, la durabilité… En résumé, des vêtements de bonne qualité, que nous allons garder longtemps, et qui ont été conçus dans le respect de la planète et des travailleurs.
Certains influenceurs utilisent déjà leur notoriété pour mettre en lumière d’autres modes de consommation et/ou leur transition écologique, à l'image de Clara Victorya, ambassadrice de la mode vintage, ou d'Enjoy Phoenix, qui collabore avec des marques de slow fashion via sa propre marque Honest Mind.
"Il faudrait que les gros comptes s’engagent réellement et ouvertement, appuie Amélie Deloche, en plus, ce sont ces comptes déjà puissants qui peuvent peser sur le choix de partenariat. Aux États-Unis, un groupe de TikTokeurs·euses a lancé la campagne “People Over Prime” pour faire pression sur Amazon et améliorer les conditions de travail de ses salarié·es. Imaginez si on faisait la même chose pour les marques de fast-fashion !"
Du côté individuel
Nous avons tous et toutes un rôle à jouer. Quelques idées d’actions :
- Avant d’acheter ce super jean ou ce manteau, se poser les bonnes questions : pourquoi celui-là et pas un autre ? Parce qu’il nous plaît ? Ou parce que nous l’avons vu porté par nos amis, nos collègues, les influenceurs que nous suivons ? Le plus dur est de changer notre rapport à la mode : aimer nos vêtements pour ce qu’ils sont, les histoires et les émotions qui y sont liées, et pas uniquement parce qu’ils sont tendances.
- Essayons de prendre du recul : est-ce que c’est le fait d’être à la mode qui nous rend heureux ? Garder également un œil critique quand nous voyons des photos/vidéos sur les réseaux : à qui profitent réellement les publicités, collaborations et partenariats qui nous poussent à acheter un vêtement ?
- Se désabonner de certains influenceurs et comptes de marques pour éviter la tentation. On peut aussi commenter (avec bienveillance) leurs publications pour les sensibiliser à l’impact environnemental des pièces qu'ils promeuvent.