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Le Livre Vermeil de Montserrat en Eglise Santa Maria del Pi
- Arts & spectacles
- 1 h 15 min
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- tous publics
Montserrat (en catalan le « Mont en dents de scie »), curiosité géologique de conglomérats aux formes étranges, abrite depuis le Moyen Âge un monastère et une statue romane de la Vierge. À la fin du XIVe siècle, quantité de pèlerins affluent à Montserrat. Les moines leur proposent un répertoire sur mesure avec des paroles « décentes et honnêtes » sur des airs populaires. Ainsi en témoigne le précieux Llibre Vermell, miraculeusement échappé aux destructions napoléoniennes de 1811. On ne peut qu’être frappé par le caractère familier de cette musique sacrée : à la fin du Moyen Âge, ainsi que l’a expliqué Georges Duby, la mentalité profane gagne du terrain, y compris à l’église. En même temps, ces adaptations sont soigneusement composées dans le style de l’Ars nova française ou italienne, ce qui démontre que les moines de Montserrat étaient informés des techniques musicales les plus avancées de leur temps. Au sud des Pyrénées, entre Méditerranée, Castille et Navarre, le Royaume d’Aragon est un carrefour de civilisations et de cultures. Avant la création de ce royaume, né du mariage du comte de Barcelone, Raimon Bérenger IV, et de la fille de Ramiro II d’Aragon, le comté de Barcelone avait acquis une renommée culturelle : les abbayes et la cour entretenaient des foyers actifs dans tous les domaines, en particulier la musique. Les souverains de ce nouveau royaume furent très vite de généreux mécènes, ce qui faisait de ce pays un lieu de passage pour les jongleurs puis les ménestrels étrangers qui y rencontraient leurs homologues catalans jouissant d’un prestige particulier. Les musiciens des églises royales avaient aussi leur importance, d’autant que l’École de Musique d’Avignon, résidence papale durant un temps, était proche. L’intérêt musical des XIIIe et XIVe siècles était immense dans cette partie de l’Europe et l’influence des formes musicales françaises, avec l’Ars nova – notation introduite par Philippe de Vitry –, s’est étendue à toute la région. Tout au long du Moyen Âge, de nombreux lieux de pèlerinage se sont créés, souvent dans des lieux où des miracles s’étaient produits, où des reliques de saints étaient censées se trouver. En Espagne, deux centres de pèlerinage devinrent ainsi célèbres à travers l’Europe : Saint-Jacquesde- Compostelle où venaient des pèlerins de toute l’Europe et Montserrat, près de Barcelone, de fréquentation plus locale. Le monastère de Montserrat, en Catalogne, fut fondé en 1027, alors que, près de deux siècles plus tôt, sur place existait une chapelle dédiée à la Vierge. S’y trouvait la magnifique Vierge noire de Montserrat, de bois polychrome sculpté vers la fin du XIIe siècle, que les fidèles venaient honorer. Des enfants avaient vu des apparitions de la Vierge et les habitants des environs se rendirent sur place et y construisirent un monastère. Différents monarques catalans (Raimon Bérenger III le Grand, Jaume I…) donnèrent à ce sanctuaire davantage de prestige, en même temps que le pays catalan grandissait et trouvait son apogée au début du XIVe siècle. Après diverses péripéties, l’abbaye prit son indépendance vis-à-vis de l’abbaye de Ripoll, devenant alors un centre culturel catalan d’envergure et, avec le règne d’Alphonse V le Magnanime et la conquête de Naples, de nombreux échanges s’établirent entre les cultures catalane et italienne. Le monastère de ce fait grandit en prestige ; la musique y tint toujours une place particulière, ce qui est toujours vrai aujourd’hui grâce à sa célèbre manécanterie. Les témoignages sur les premiers temps du monastère sont rares car sa précieuse bibliothèque et ses archives brûlèrent en 1811 lors de l’invasion napoléonienne. Parmi les manuscrits précieux qui s’y trouvent encore, il en est un qui est particulièrement renommé, connu sous le nom de Llibre Vermell. Ce manuscrit a échappé au désastre par un effet du hasard, car il avait été confié à un érudit de Barcelone peu avant l’incendie. Son nom de Llibre Vermell est dû à sa reliure en bois et velours rouge qui, en réalité, ne date que du XIXe siècle, alors que la transcription des feuillets qu’elle contient est datée de 1399. Ce codex au contenu varié est composé de divers feuillets (172 à l’origine, dont seulement 137 sont conservés) et en comporte d’auteurs anonymes qui sont particulièrement remarquables et représentent le noyau principal de ce programme. Ce sont dix chants et danses de dévotion à la Vierge Marie, copiés tout au long du XIVe siècle. Une note en bas de la page 22 du manuscrit indique que ces musiques sont à chanter et à danser. C’est certainement ce que faisaient les pèlerins à la Vierge noire de Montserrat, dans l’église ou sur le parvis. « Bien sûr, ils ne doivent chanter que des chansons honnêtes et religieuses », dit le texte ! Et il ajoute : « Il convient d’en faire usage avec modération et respect, sans gêner ceux qui désirent poursuivre leurs prières et leurs méditations. » Ces chants étaient donc proposés aux pèlerins par les moines eux-mêmes et témoignent de l’imbrication des domaines profanes et sacrés en cette fin du Moyen Âge. Les moines de Montserrat ont toujours été des hommes très cultivés et leur contact continuel avec les abbayes d’un côté comme de l’autre des Pyrénées contribua à la qualité des musiques qu’on y interprétait. Oeuvres O Virgo splendens Stella splendens Laudemus Virginem Los set gotxs Splendens ceptigera Polorum regina Cuncti simus concanentes Mariam matrem Virginem Imperayritz de la ciutat joyosa Ad mortem festinamus Ce programme a été tourné à en Espagne en l’Eglise Santa Maria Del Pi, fleuron architectural du Barri Gòtic (Quartier Gothique) de Barcelone. Construite entre 1319 et 1391, le style gothique pur de Santa Maria del Pi est une église d’une seule nef, de style gothique pur, entourée de chapelles latérales ouvertes entre les contreforts. La voûte de la croisée ferme l’enceinte et lui donne son immensité, comme cela se passe souvent dans les temples gothiques barcelonais.