Le Pitch - Cinéma
Émission du mercredi 15 janvier 2020
- Émissions culturelles
- 1 min 59 s
- tous publics
SELFIE de T. Bidegain, M. Fitoussi, T. Aurouet, C. Gelblat et V. Lebasque
Avec Blanche Gardin, Elsa Zylberstein, Manu Payet, Max Boublil, Finnegan Oldfield
Dans un monde où la technologie numérique a envahi nos vies, certains d’entre nous finissent par craquer.
Addict ou technophobe, en famille ou à l’école, au travail ou dans les relations amoureuses, Selfie raconte les destins comiques et sauvages d’Homo Numericus au bord de la crise de nerfs…
Julien Sibony, co-producteur et co-scénariste revient sur la genèse du projet : « 'Selfie' propose cinq récits mordants dans lesquels des personnages sincères se débattent avec les lois du nouveau monde numérique. Jusqu’à la lisière de la folie. Jusqu’à creuser leur propre tombe. En 2007, s’imposait l’expression 'web 2.0' pour désigner les nouveaux usages numériques. L’internaute ne serait plus spectateur derrière son écran mais une personne active sur la toile. S’est entamé alors un dialogue nouveau entre l’homme et ses écrans. Like, big, data, match, vlog, wall, leak, troll, selfie, emoji, follower... Toute une novlangue est apparue pour tenter de rendre compte de ce nouveau monde. Douze ans plus tard, Homo numericus a le vertige. Qui n’a jamais eu l’impression que nous twittons ou instagrammons d’abord puis réfléchissons ensuite ? Qui n’a jamais été témoin du désarroi d’un digital native privé de réseaux sociaux ? Qui n’a jamais été phubbé (contraction de phone et snober) par quelqu’un préférant manifestement son écran à une conversation I.R.L (in real life) ? Et oui, il existe désormais un terme pour désigner la ‘vraie vie’... À l’ère numérique, la liberté, le secret, le narcissisme, la rencontre amoureuse et même la mort, ne s’appréhendent plus tout à fait comme avant. Si le 2.0 est désormais omniprésent dans nos vies comme dans les récits, la comédie traitant de ce nouveau monde n’a pas encore été faite. Seul un format original pouvait rendre justice au projet. Une structure classique aurait rendu le film didactique et l’aurait emprisonné dans un carcan narratif. Le format dit ‘à sketchs’ nous permettait d’être plus percutant dans la satire mais aussi de décliner les thématiques, les arènes et les genres... Il induit un autre rythme plus moderne et plus approprié pour parler de l’univers connecté. Nous ressemblons tous un peu à ces personnages déboussolés plongés dans la sauvagerie des réseaux et ne sachant plus à quel Dieu se vouer. Le numérique est notre nouvelle idole ! Il était donc urgent de nous moquer de nous. »
Pour l’écriture, Julien Sibony a posé les bases d’une « comédie satirique et grinçante sur le nouveau monde numérique » et a réuni autour de lui une équipe d’auteurs d’horizons et de sensibilités diverses pour écrire les histoires. À la mise en scène, ils ont réuni cinq cinéastes ayant une appétence forte pour la comédie : « C’était une grande satisfaction que des réalisateurs-auteurs acceptent de réaliser un chapitre du film alors qu’ils ne l’avaient pas écrit. Le choix s’est fait facilement en fonction des désirs et des qualités de chacun. Marc Fitoussi était très séduit par ce personnage de professeur et excelle dans les portraits de femmes. Thomas Bidegain voulait relever le défi de l’empathie dans le comportement d’une famille franchement excessive. Tristan Aurouet était le plus sensible aux puissantes scènes de comédie de 2,6/5, Cyril Gelblat aimait le dialogue entre l’homme et la machine et la promesse d’une chute forte. Quant à Vianney Lebasque il avait l’envie et le talent pour filmer un groupe dans une unité de lieu, de temps et d’action. Chaque talent a apporté sa patte tout en travaillant avec la même équipe technique, garante d’une cohérence globale du projet. »
Blanche Gardin qui joue dans « Vlog » explique ce qui lui a plu dans « Selfie » : « J’ai trouvé intéressant de prendre ce sujet des effets pervers des nouvelles technologies à bras le corps par le biais du film à sketches. C’est un format qui permet de regarder un objet sous des angles différents. C’est aussi un format particulièrement intéressant pour la comédie puisque la comédie, c’est un pas de côté par rapport à une chose, un évènement. Le film à sketchs permet d’en faire plein d’un coup, dans plusieurs directions. »
Max Boublil qui joue aussi dans « Le troll » parle de son personnage : « Toon est un humoriste qui cartonne auprès des ados. Une star dans son genre, entre Justin Bieber et Gad Elmaleh. Il fait partie de cette nouvelle génération qui perce grâce à internet. Il n’a pas une grande culture, fait énormément de fautes d’orthographe et trouve l’amour auprès d’une prof de français qui s’amuse à corriger ses tweets et à le clasher sur Twitter. Le personnage est ridicule par moments, il est entraîné par son succès auprès des adolescents, contraint de gérer son image, mais c’est comme ça que ça marche. J’ai vieilli, j’ai plus de cynisme que lui mais je le comprends. Pareil pour les réseaux sociaux. Je les ai beaucoup utilisés mais je n’y suis plus très à l’aise. Je sens que les stories que je poste sont celles d’un mec qui n’a plus 25 ans. Elles sont mal cadrées, il n’y a plus la bonne vanne au bon moment, ça m’échappe un peu. Les réseaux sociaux me renvoient à mon vieillissement. »
Elsa Zylberstein qui joue Bettina aux côtés de Max Boublil explique ce qui l’a attiré dans « Selfie » : « J’y ai trouvé formidable la critique du monde moderne. Le film raconte, en grossissant à peine le trait, comme les gens peuvent devenir bêtes, aliénés, violents, méchants, monstrueux à cause des réseaux sociaux. Je ne me dis jamais que je tourne une comédie quand j’en tourne une. J’aborde toujours le rôle au premier degré. Je ne me dis à aucun moment ‘il faut que je sois drôle’ ; ce sont les situations qui le sont ou mon personnage mais sans le vouloir. On se rejoint totalement là-dessus avec Marc Fitoussi. Une vraie rencontre, Marc. On parle la même langue, on a le même sens de l’humour, les mêmes goûts en cinéma. Il aime les personnages victimes d’eux-mêmes et ne cherche pas à faire rire coûte que coûte. Il est dans la vérité, le plus important pour moi. Sur le jeu, il est très ouvert à ce qu’on propose, à la folie, à l’excès, tout en sachant exactement ce qu’il veut. Un bonheur. »
Manu Payet pour sa part a particulièrement aimé l’originalité que propose le film, « J’ai aimé le ton : drôle, cynique mais vrai. Avec ces histoires qui se répondent, ces personnages qu’on retrouve d’un sketch à l’autre, ces sous intrigues qui démarrent dans un film et qui sont bouclées dans un autre. C’est un objet singulier : un film à sketches connectés. 'Recommandé pour vous', le sketch dans lequel je joue, est réalisé par Cyril Gelblat avec qui j’avais tourné 'Tout pour être heureux', un film que j’aime beaucoup et dont le tournage avait été un bonheur. C’était l’occasion de nous retrouver. »
Il explique son rapport à internet et les réseaux sociaux : « C’est en grande partie grâce aux réseaux sociaux que je suis remonté sur scène. Je me suis laissé séduire par tous les messages de gens qui me citaient des passages du premier spectacle, me demandait quand j’en refaisais un… À côte de ça, je trouve qu’on y prend une liberté avec les mots, pour s’adresser à des gens qu’on ne connait pas, qui n’a pas lieu d’être. Surtout sur Twitter où je me suis fait agresser plusieurs fois. Il m’arrive d’avoir envie de supprimer mes comptes et de ne garder qu’Instagram. Les photos y sont plus jolies que les mots de certains. Mais je fais l’autruche. Les plateaux de cinéma ont aussi beaucoup changé depuis les nouvelles technologies. Avant, entre les prises, les gens lisaient ou discutaient entre eux. Aujourd’hui, dès qu’il y a une pause, tout le monde prend son téléphone portable. Et quand quelqu’un vous parle, c’est pour demander : 'T’as pas un chargeur ?' »
Tristan Aurouet réalisateur de 2,6/5 définit « Selfie » comme une critique comique d’aujourd’hui que de ce qui pourrait se passer de tragique dans quelques années : « Le fait que certains personnages se croisent d’un sketch à l’autre permet une continuité du récit et ajoute au plaisir du spectateur. En tant que réalisateur, la dynamique de travail est très proche de celui de la série. On participe au choix des acteurs, des décors, mais le texte est là, il faut se mettre au service des auteurs. J’ai cherché une cohérence d’un décor à l’autre, que j’ai voulu à la fois étonnants et réalistes, de l’espace de coworking de la start-up aux bars où Florian fait ses rencontres. En termes de mise en scène, j’ai voulu associer le mouvement de la caméra à celui de mon acteur principal. Quand Finnegan bouge, la caméra bouge, quand il ne bouge pas, elle reste fixe. Pour créer quelque chose d’organique. De connecté à lui. J’ai aussi structuré mon travail autour de crescendo et de descentes, au sens propre comme au sens figuré. Le scénario avait du relief, je voulais la même chose à l’écran. Ascenseurs, escalators, côte que l’on ne parvient pas à grimper à vélo... on monte et on descend beaucoup. Et c’est finalement dans une descente que le personnage comique trouve toute sa saveur. »
Vianney Lebasque réalisateur de « Smileaks » a tout de suite été attiré par le projet par sa thématique et par sa qualité d’écriture : « On est dans une comédie grinçante, tendre par moments et vraiment très actuelle. Le ton est assez rare et le sujet, la dérive des comportements humains face aux nouvelles technologies, poussé à fond. Chaque sketch offre un éclairage différent. Le choix de « Smileaks » s’est imposé à moi : c’est le plus choral, un point commun à mes deux premiers films et à ma série, « Les Grands ». Qui plus est, l’idée que toutes nos données personnelles fuitent sur le web me plaît beaucoup. Imaginez le désordre si nous avions accès aux données personnelles de tous ! Ajoutez-y le décor, cette île coupée du monde. Tout cela m’a tout de suite inspiré des images, une cinématographie. »
Concernant la musique, Laurent Perez Del Mar en est le compositeur. Il revient sur son travail : « Au défi de composer pour un film à sketches, s’ajoutait celui de participer à y créer une homogénéité ; c’est ce qui m’a tout de suite plu. J’ai d’abord dû mettre d’accord les cinq réalisateurs autour du thème principal. Avec un réalisateur, déjà, c’est parfois compliqué, alors avec cinq, je redoutais. Et ça s’est bien passé. Une expérience passionnante mais chronophage : à chaque étape, je devais faire cinq réunions ! Cette dérive d’internet, des réseaux sociaux et de la notation à outrance m’a inspiré une nostalgie de l’avant, de l’époque où l’internet existait sans tout ce qui s’est développé autour. Pour le thème, je suis donc parti sur une petite valse nostalgique que j’ai ensuite arrangée, adaptée à chacun des cinq films. Pour 'Vlog', il fallait que ça ait l’air d’une musique choisie par des gens qui se filment en amateur. J’ai donc décliné le thème dans des versions pop – tantôt emphatique pour accompagner le pathos des vidéos en ligne, tantôt plus intimiste à l’aide d’un simple ukulélé – et j’ai demandé aux musiciens – ceux de l’émission The Voice – de moins bien jouer pour donner un aspect amateur. Pour 'Le Troll', comme Bettina que joue Elsa Zylberstein a un côté un peu vieillot, j’ai adopté un arrangement plus classique, traditionnel, qui accentue le décalage du personnage avec l’époque. J’ai fait appel à l’Orchestre National de Macédoine, avec lequel j’avais déjà collaboré et j’ai demandé à Elodie Frégé de venir chanter d’une voix éthérée, romantique. Sur '2,6 / 5', c’est beaucoup plus électronique, textural et dépouillé. Parce que Tristan Aurouet voulait aller vers ça et que cela accentuait la tension amoureuse. Sur 'Recommandé pour vous', Cyril Geblat avait envie d’un style jazzy-funk, on a donc twisté le thème en version rythmique. Pour 'Smileaks', j’ai travaillé sur l’ambiance de fin du monde en lorgnant du côté de Bernard Herrmann, le compositeur d’Hitchcock. Le but, au final, étant de donner une unité à l’ensemble du film. »
1917 de Sam Mendes
Avec George MacKay, Dean-Charles Chapman et Colin Firth
Le film fait l’objet de l’avertissement suivant : « Certaines scènes de guerre peuvent être de nature à choquer le public »
Pris dans la tourmente de la Première Guerre Mondiale, Schofield et Blake, deux jeunes soldats britanniques, se voient assigner une mission à proprement parler impossible. Porteurs d’un message qui pourrait empêcher une attaque dévastatrice et la mort de centaines de soldats, dont le frère de Blake, ils se lancent dans une véritable course contre la montre, derrière les lignes ennemies.
• Meilleur film dramatique et Meilleur réalisateur aux Golden Globes 2020
Sam Mendes parle du film : « La première fois que j'ai compris la réalité de la guerre, c'est quand mon grand-père m'a raconté son expérience de la Première Guerre mondiale. Le film ne relate pas l'histoire de mon grand-père, mais s'attache plutôt à évoquer son esprit – ce que ces hommes ont subi, leurs sacrifices, et leur foi en quelque chose qui les dépassait. Nos deux protagonistes doivent participer à une mission périlleuse les conduisant à passer en territoire ennemi afin de livrer un message vital et de sauver ainsi 1600 soldats : notre caméra ne les lâche jamais. Je voulais m'attacher à chacun de leurs pas et sentir leur souffle, et mon chef-opérateur Roger Deakins et moi-même avons discuté de notre envie de tourner 1917 de la manière la plus immersive possible. Nous avons conçu le film pour projeter le spectateur dans ce que nos deux jeunes héros ont vécu. C'est le projet le plus enthousiasmant de ma carrière. »
« 1917 » n’a pas été filmé en un seul plan-séquence, mais en plusieurs longues prises qui ont ensuite été montées ensemble pour donner l’impression d’une seule et unique scène. Une fois cette idée validée, il était important de caler les scènes pendant les quatre mois de répétition du film, et de préparer le plateau dans les moindres détails. Il fallait d’abord déterminer les déplacements des acteurs dans chaque scène, puis planifier précisément les mouvements d'appareil.
Faisant partie d'un groupe de quatre directeurs artistiques sous la direction du chef décorateur Dennis Gassner, Elaine Kusmishko a supervisé toutes les tranchées de « 1917 », qui ont été conçues à Bovingdon, dans le centre de l'Angleterre. Au total, près de 1,5 km de tranchées ont été creusées pour les besoins du film. « Cet endroit a été choisi pour le temps qu'il était possible d'y passer. On avait la tranchée de la ligne de front qui mène automatiquement dans le no man’s land et on devait montrer ces deux zones comme un seul décor en continu. Il nous fallait donc une grande superficie de terrain, en particulier de terrain plat », explique-t-elle.
Avant le tournage, le directeur de la photographie Roger Deakins s’est rendu à Munich pour savoir s’il était possible d’imaginer une mini version de la caméra ALEXA LF capable de restituer la vitesse et l’intimité attendues par Sam Mendes. Le fabricant ARRI leur a appris qu’ils étaient justement en train d’en concevoir une. Les prototypes de l'ALEXA Mini LF ont été prêts dès février 2019. La société ARRI de Munich s’est arrangée pour finaliser trois caméras en avance, spécialement pour les besoins du tournage. L'ALEXA Mini LF est sortie officiellement mi 2019 et a pour particularité d'accroître les potentialités des autres caméras ARRI grand format. Au moment du tournage, l’équipe de « 1917 » était la seule au monde à l'utiliser. Le fabricant explique : « La caméra ARRI grand format propose une version en 4,5K du capteur ALEXA, si bien qu'elle est deux fois plus grosse et a une résolution deux fois plus importante que les caméras ALEXA 35mm. Cela permet aux réalisateurs de s’approprier le tournage en grand format, puisque cet outil offre une version améliorée du capteur ALEXA, notamment au niveau des couleurs, du rendu de la peau, des bruits, même de faible intensité, et il s’adapte aussi bien au tournage en High Dynamic Range (HDR) qu’en Wide Color Gamut (WCG). »
L'ancien parachutiste Paul Biddiss, qui a servi dans l'armée britannique pendant plusieurs décennies, a été le conseiller technique du film en matière militaire. Pour transmettre aux acteurs l'état d'esprit d'un soldat, il les a entraînés au cours de longues séances de marche. Avant le début du tournage, un camp d'entraînement a également été créé pour habituer les comédiens à la vie dans les tranchées. Le deuxième camp d'entraînement était, quant à lui, davantage centré sur les tactiques d'attaque.
La production a également sollicité le spécialiste de l’histoire militaire Andrew Robertshaw (qui avait travaillé sur « Cheval de guerre »), un ancien fonctionnaire du Ministère de la Défense qui a passé de nombreuses années à fouiller des tranchées et des trous de mines en France et en Belgique.
Comment trouver les interprètes de Schofield et Blake ?
Les soldats de Première Classe Schofield et Blake, du 8e bataillon, sont liés par une complicité et une amitié, qui vont très rapidement les ébranler au-delà du sens commun. Lorsque Sam Mendes a auditionné les acteurs pour incarner ces deux jeunes soldats, il était primordial que les spectateurs puissent vivre l’histoire à travers les visages de comédiens relativement méconnus. George MacKay, second rôle dans « Captain fantastic » incarne donc le Première Classe Schofield et Dean-Charles Chapman repéré dans « Game of thrones » incarne le soldat de Première Classe Blake. « Le film évoque le périple de deux jeunes soldats et, au premier abord,ordinaires. Idéalement, je voulais que le public n’ait aucun a priori sur eux. C’est un véritable luxe d’avoir bénéficié du soutiensans faille du studio, de pouvoir faire un fi lm de cette envergure avec deuxacteurs dans les rôles principaux qui sont pour ainsi dire nouveaux dans lemétier », note le réalisateur.
Chez MacKay, Sam Mendes a non seulement trouvé un jeune acteur de talent mais un artiste qui incarne les qualités attribuées au héros qu’il avait imaginé : « George a quelque chose d’un peudésuet, avec certaines valeurs, un sens de l’honneur, une dignité, un héroïsmed’une autre époque. Il a un physique intemporel. »
MacKay s’est tellement investi dans son personnage qu’il a insisté pour exécuter lui-même la plupart de ses cascades pendant le tournage.
Pour le compagnon d’arme de Schofield, Blake, le réalisateur a souhaité un jeune homme qui reflète innocence et simplicité. « Je n’avais jamais rencontré Dean-Charles avant qu’il vienne faire un essai. Il est bouleversant de vulnérabilité et de douceur, c’est un acteur vraiment doué, au talent inné et très instinctif », note le réalisateur. « Dès que j'ai découvert le scénario, je me suis passionné pour Blake. C'est un garçon de la campagne qui aime sa mère, son chien, et son frère. C'est un jeune adorable et tendre – et c'est presque impossible de ne pas le trouver totalement craquant », confie le comédien.
MacKay et Chapman se sont engagés dans l'aventure en novembre 2018 et ont passé beaucoup de temps à répéter leurs rôles, tout en suivant un entraînement militaire épuisant. « On s'est beaucoup entraînés, pendantenviron cinq mois avant le début du tournage », précise Chapman. « Notreconseiller militaire Paul Biddiss nous a beaucoup parlé de la condition dusoldat, et nous a même expliqué comment faire le salut militaire, commentmanier une arme. On s'est également initié au tir avec des armuriers afind'acquérir les bons gestes et de faire en sorte qu'on connaisse parfaitementnos armes. J'ai aussi appris à me repérer avec une boussole ». Les deux acteurs se sont également rendus sur les lieux de tournage pour les répétitions d’ordre technique, s’immergeant dans les paysages qu’ils allaient bientôt devoir arpenter. Une expérience qui leur a permis de se glisser dans la peau de ces soldats qui se sentaient manipulés comme des pions dans un conflit international, et de comprendre ce que Sam Mendes souhaitait restituer grâce à leur interprétation. « George et moi nous sommes rendus en France et en Belgique. On a visité les monuments commémoratifs et les musées. On amême arpenté certaines tranchées qui ont été préservées. J'ai énormémentappris grâce à ce voyage », rappelle Chapman.
** BONUS **
SWALLOW de Carlo Mirabella-Davis
Avec Haley Bennett, Austin Stowell, Denis O'Hare et Elizabeth Marvel
Ce film fait l’objet de l’avertissement suivant : « Des scènes, des propos ou des images peuvent heurter la sensibilité des spectateurs »
Hunter semble mener une vie parfaite aux côtés de Richie, son mari qui vient de reprendre la direction de l’entreprise familiale. Mais dès lors qu’elle tombe enceinte, elle développe un trouble compulsif du comportement alimentaire, le Pica, caractérisé par l’ingestion d’objets dangereux. Son époux et sa belle-famille décident alors de contrôler ses moindres faits et gestes pour éviter le pire : qu’elle ne porte atteinte à la lignée des Conrad… Mais cette étrange et incontrôlable obsession ne cacherait-elle pas un secret plus terrible encore ?
• Prix spécial du 45e anniversaire au Festival du Cinéma Américain de Deauville 2019
• Prix d’interprétation féminine au Festival de Tribeca en 2019
Le réalisateur revient sur la genèse du film : « Cette histoire m’a été inspirée par ma grand-mère Edith Mirabella. C’était une ménagère qui, dans les années 1950, a commencé à développer des troubles obsessionnels compulsifs. Elle se lavait les mains sans arrêt, utilisant jusqu’à quatre savons par jour et douze bouteilles d’alcool ménager par semaine. Je crois qu’elle essayait de reprendre le contrôle d’une vie qui lui semblait de plus en plus étouffante. Sur les conseils du médecin, mon grand-père l’a fait interner. Elle a reçu des électrochocs et des injections d’insuline, subi une lobotomie qui lui a fait perdre le goût et l’odorat. J’avais le sentiment qu’on la punissait plus qu’on ne la soignait. On la sanctionnait parce que, mère au foyer fragile et frappée de maladie mentale, elle ne se conformait pas aux attentes de la société. Je voulais faire un film sur le sujet mais se laver les mains de manière compulsive n’est pas très cinégénique. Je me suis alors rappelé avoir vu la radio d’une personne qui souffrait de la maladie de Pica. Les objets ingurgités par le patient avaient été enlevés de son estomac et disposés sur une table en cercle, comme le produit de fouilles archéologiques qu’on aurait réunies. Je me suis demandé ce qui avait attiré le malade vers ces objets. »
Le Pica est un trouble du comportement alimentaire. Il se manifeste par l’ingestion d’objets, ou de substances non comestibles comme de la terre (géophagie), du charbon ou du sable. Il est très rare dans la population générale, plus fréquent chez les personnes ayant une anémie et des carences alimentaires. Il n’est pas toujours signe d’une maladie mentale. Par exemple, il est banal chez l’enfant de moins de deux ans. Il s’examine à la lueur de l’aspect culturel, car il peut être un rituel partagé et reflet de croyances dans un groupe ethnique. Comme dans le cas d’Hunter, le Pica est plus fréquent chez la femme enceinte. Au delà du symptôme, le regard nuancé porté sur le personnage d’Hunter dans le film permet d’en faire un symbole de choses plus universelles concernant les trouble psychiques : Hunter développe ce symptôme lors de sa grossesse, ce qui est réaliste. Le Pica est infiniment plus rare que la dépression périnatale (allant de la conception à la première année de vie de l’enfant), qui, elle, concerne une femme enceinte sur dix. Pourtant, le fait de se sentir triste, inutile ou avoir du mal à se réjouir d’être enceinte se dit peu, et s’entend encore moins, dans notre société qui laisse peu d’autre choix aux femmes que d’y voir « le plus beau moment de leur vie ». L’entourage d’Hunter, qui la traite comme un objet de décoration ou un moyen d’engendrer une descendance, l’isole et augmente sa détresse. Avaler des objets apparaît alors comme une tentative de faire quelque chose par elle-même.
L’aspect compulsif, incontrôlable et involontaire du besoin d’ingérer alternativement un glaçon, une bille, etc… est un bon exemple de ce qu’on appelle le 'craving'. Cet anglicisme est utilisé en addictologie pour décrire le besoin impérieux et irrésistible de consommer une substance psychoactive. Souvent, le 'craving' survient lorsque la détresse de la personne la plonge dans un désarroi plus profond. Elle cherche alors refuge dans les effets apaisant ou excitant d’un produit ou d’une conduite. Il y en a plusieurs illustrations dans le film : à mesure que la pression augmente sur Hunter, et qu’elle perçoit dans son entourage une trahison, son envie d’ingérer des objets, de la terre, s’accroit. On retrouve aussi le 'craving' chez les patients atteints de crises de boulimie.
Pour le cinéaste, le film parle autant d’émancipation féminine que de la maladie de Pica qui est ici un symptôme du patriarcat. « Mon film est profondément féministe. Je voulais montrer en quoi le patriarcat est immuable même si la stratégie de ce dernier consiste à convaincre tout le monde qu’il n’a plus cours. J’ai regardé récemment la vidéo d’un talk-show où des experts s’accordaient à dire que le féminisme n’avait plus d’intérêt car le sexisme n’existait plus. Cela m’a horrifié et j’ai voulu faire un film sur une femme qui prend conscience de cette oppression et se rebelle. Comme un caillou qui dévale le flanc d’une montagne et provoque une avalanche. Beaucoup de films qui traitent de la maladie mentale racontent comment on la surmonte. Dans 'Swallow', je montre que la compulsion d’Hunter est dangereuse et douloureuse mais qu’elle lui permet de sortir d’un système coercitif. Sa dépression devient sa guérison. Grâce à elle, elle se rend compte qu’elle n’est pas heureuse.
La maladie de Pica et les TOCs sont souvent déclenchés par des facteurs extérieurs. Ils alertent sur un mal-être. J’ai été élevé dans une famille de féministes et je me suis toujours senti proche de ces idées. Je me suis toujours intéressé à la question du genre. Que l’on soit homme, femme ou non-binaire, la société vous assigne toujours un rôle et chacun se bat contre ces archétypes. Je pense que le féminisme peut aider tout le monde. En tant qu’homme, on doit s’interroger sur cette culture patriarcale dont on fait partie et qui nous profite, même si l’on dit qu’on soutient les femmes. »
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