"Ce énième rebondissement est infâme", assène l'ex-juge d'instruction. "Il repose sur une construction intellectuelle fondée en partie sur un logiciel" (NDLR : le logiciel Anacrim de la gendarmerie dont les résultats ont servi de support aux dernières investigations). "La machine à broyer s'est mise en marche pour détruire, ou abîmer, la vie de plusieurs innocents, pour répondre au désir de revanche de quelques esprits blessés dans leur orgueil ou dans l'honneur de leur corps."
Son manque de rigueur dans la conduite de l'enquête sur l'assassinat de Grégory, retrouvé pieds et poings liés dans la Vologne le 16 octobre 1984, faisait l'objet de nombreuses critiques depuis plus de trente ans. A la retraite depuis 2014, l’ancien juge est resté jusqu'au bout très attentif aux derniers épisodes de ce dossier judiciaire, et il se montre très critique. "Les événements depuis juin dernier sont voués normalement à l'échec", écrit-il avant de défendre une ultime fois son enquête. Selon lui, Bernard Laroche, cousin du père de Grégory, "est innocent". Quant à sa cousine Murielle Bolle, récemment mise en examen pour enlèvement de mineur suivi de mort, elle est également, selon lui, hors de cause.
Dans cette lettre posthume, le magistrat confie également son amertume et refuse de porter seul le fardeau du fiasco judiciaire. "Pour ne pas perdre la face, on cherchera alors un bouc émissaire. Autant dire qu’il est tout trouvé…Je refuse de jouer ce rôle. Si j’ai parfois failli, j’ai cependant la conscience parfaitement tranquille quant aux décisions que j’ai été amené à prendre. On ne connaîtra jamais la vérité parce qu’on refuse de voir la vérité. Et pourtant si on acceptait de regarder les annales judiciaires américaines ou transalpines…", poursuit-il, laissant entendre qu'il croit encore à la responsabilité de Christine Villemin.
Des déclarations qui ont fait bondir Me Chastant-Morand. Au micro de LCI, l’avocate des époux Villemin s’est étonnée qu’un magistrat, qui n’a plus la main sur le dossier depuis trente ans, puisse émettre de telles critiques. "Vouloir apporter des éléments et des critiques par rapport à un dossier qu’on ne connait pas… ça, je ne comprends pas. Je suis stupéfaite voire consternée", a-t-elle affirmée.
Alors où en sont les investigations dans l’affaire Grégory ? Qu’est-ce que le logiciel Anacrim mis en cause par l’ancien magistrat ? Comment la technologie bouleverse les métiers de la justice ?
Invités :
- Alain HAMON, grand reporter, spécialiste police-justice
- Michèle BERNARD-REQUIN, magistrate
- Roland COUTANCEAU, psychiatre - criminologue
- Jean-Pierre BERTHET, ancien chroniqueur judiciaire de TF1